Il est temps de prendre la route pour un nouveau lieu. Les sentiments qui m’habitent sont partagés entre la tristesse de quitter une paroisse et tant de personnes appréciées et la joie de partir pour une nouvelle mission. Ces dernières semaines, vos nombreux messages témoignent qu’il n’est pas non plus facile de quitter un pasteur après 9 ans de présence. L’obéissance à l’évêque, pour le prêtre comme pour les paroissiens, n’est pas toujours aisée. Ne permet-elle pas au prêtre de se détacher et de renouveler la gratuité du don qu’il a reçu le jour de son ordination ? Et aux paroissiens de vérifier qu’ils suivent bien le Christ et non une personne appréciée ?
Accueillir un nouveau pasteur n’est pas non plus une chose facile. Il va falloir s’habituer à une autre personne, une autre manière de voir et de faire. Qui n’a pas peur du changement, de l’inconnu ? Et qui, malheureusement, ne se laisse pas perturber par les rumeurs, les réputations toutes faites, les préjugés irrationnels, envers celui qui arrive ?
Si nous restons à un niveau humain, la perspective d’un départ et celle d’une nouvelle arrivée nous met mal à l’aise. Mais ce que le Seigneur fait dans son Eglise est-il humain ? N’est-il qu’humain ? J’ai la certitude que le Seigneur envoie le pasteur dont nous avons besoin. Il envoie au moment opportun celui qui est utile à la construction de son Église selon ses plans et non les nôtres. Si nous sommes dans cette attente, nous recevrons beaucoup. Si nous restons à un niveau humain, affectif donc, nous serons souvent déçus. L’important ce n’est pas seulement l’affection que l’on porte mais la certitude que nous sommes dans une démarche de conversion et que se réalisent les plans de Dieu.
Je voudrais m’arrêter avec vous sur ces quelques années passées à Lavaur. Je n’ai pas l’intention de faire un bilan avec la liste des initiatives, des réalisations et faire le tri entre ce qui semble avoir été une réussite ou un échec. Non, cela appartient au Seigneur. Je pourrais aussi vous dire mes joies et mes peines au long de ces années, mais cela me regarde et fait partie de mon histoire personnelle avec le Seigneur. Je ne voudrais pas non plus m’arrêter aux remerciements habituels nécessaires bien sûr, mais j’aurais trop peur d’oublier l’un ou l’autre. Le Seigneur lui même sait nous remercier et nous récompenser à sa manière quand il le faut. Je voudrais plutôt partager avec vous quelques réflexions sur ce qui a habité mon coeur durant toutes ces années, pour chercher à vivre avec vous une Église attirante, joyeuse et fraternelle.
Suite à son récent voyage en Bulgarie le pape François a évoqué les saints Cyrille et Méthode, évangélisateurs de cette région. Le monde a besoin d’évangélisateurs « passionnés et créatifs » à leur image, a exhorté le successeur de Pierre, afin d’annoncer la Bonne Nouvelle et « d’irriguer de nouveau les terres dont les anciennes racines chrétiennes se sont asséchées ». Je me suis bien retrouvé dans cette expression « évangélisateur passionné et créatif » pour une terre qui a bien besoin d’être ré-évangélisée.
Suite à la visite pastorale de notre évêque en 2013, ensemble, nous avons porté un projet d’évangélisation. J’ai très vite découvert toute la difficulté à mettre en place un projet pastoral qui n’avait rien d’original, mais qui était bien ambitieux pour les partisans d’une pastorale de la conservation. Le pape François avait raison de dire, dans son premier grand texte La joie de l’évangile, qu’un obstacle important au renouveau de l’Église c’est de refuser la nouveauté parce qu’on veut faire comme on a toujours fait et qu’il suffit de proposer quelques choses de nouveau pour que – avant même d’avoir cherché à comprendre ce qui est proposé – on dise non ! Le pape François a aussi beaucoup insisté sur un autre obstacle au renouveau de nos communautés, c’est la médisance, cette plaie qui détruit et qui repousse au loin tous ceux qui auraient eu l’intention de rejoindre l’Église.
S’il fallait retenir quelque chose de l’esprit qui m’a animé, je parlerai en premier de l’écoute du Seigneur dans un cœur à cœur pour y puiser l’amour nécessaire à la mission qui nous est confiée et discerner, au delà de ses propres idées et manières de voir, ce qui vient de lui et ce qu’il attend de nous. Je poursuivrai en insistant sur la bienveillance, mot que j’ai souvent prononcé. Bienveillance envers chaque membre de la communauté, du pasteur, de l’Église pour accueillir le don de Dieu à l’oeuvre aujourd’hui.
Ce qui m’a également habité c’est la certitude que l’Église se renouvellera à travers la multiplication de petites fraternités. En visitant ces dernières semaines les Fraternités missionnaires de la paroisse, j’ai été émerveillé par les rencontres faites, par l’attachement de chacun au partage fraternel. Ce sont de véritables petits foyers de charité qui rayonnent et qui sont à l’origine de tant d’initiatives diverses et variées très encourageantes.
Je terminerai en rappelant l’urgence de l’évangélisation et la nécessité pour chacun d’une vraie audace missionnaire. Le pape parle d’une Église en sortie et ce n’est pas pour rien. Si nous restons entre nous, nous ne pourrons que constater la décrépitude croissante de l’Église. Si nous osons de nouveaux chemins, si nous allons vers les autres de manière simple, fraternelle et joyeuse, nos églises vont de nouveau se remplir.
Durant mon passage à Lavaur, j’ai beaucoup appris de vous et de la mission faite ensemble et je vous en remercie. J’aimerais demander pardon à ceux que j’ai pu blesser d’une manière ou d’une autre. Je pars heureux et tranquille. Une nouvelle mission m’attend avec tous ces défis et cela me plait bien. Je vous demande d’accueillir avec joie et sans préjugé le nouveau pasteur que le Seigneur vous envoie pour vivre avec lui une nouvelle tranche de la vie de L’Église dans le pays Vaurais.
Père Joseph Dequick